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Le Rochecardon, un ruisseau qui nous raconte des histoires…

Les Journées du Patrimoine de cette année se sont laissées bercer « au fil de l’eau »… Roch’nature n’a pas hésité une seconde à se glisser dans ce thème, le ruisseau de Rochecardon s’avérant être naturellement un bon programme pour une balade découverte.

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Une dizaine d’étapes ont jalonné ce circuit, retraçant l’importance de l’eau dans la vie quotidienne des habitants. Philippe Camous a tenu en haleine le groupe en le plongeant dans l’histoire plus ou moins ancienne, et plaçant dans un contexte particulier et humain chaque lieu, chaque ouvrage lié à l’eau.

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                « Réfléchissons, réfléchissons!… »

• Partons ensemble du Pré de la Gabrielle, un espace de détente très emblématique pour Roch’nature •

1- Un ruisseau aux mille noms
Remontons dans le temps… au temps des Croisades ! Pas très loin d’ici, un bourg fortifié, le castrum de Saint André du Coing est situé près de deux ruisseaux ; l’un se nomme ici ruisseau de Saconis, ce nom venant de Soucona, une ancienne déesse des Sources et des Eaux vénérée par les ancêtres païens des habitants de ce castrum.
Grand ruisseau, ruisseau de Thiolay, de Limonest, de Cruis, de Tortorel, des Rivières,… C’est un ruisseau aux mille noms, noms qu’il prend selon le lieu où il coule ou du propriétaire du moment et parfois sur une petite portion.  Aujourd’hui, Rochecardon est son nom, sur toute sa longueur, de sa source à Limonest jusqu’à la Saône où il déverse ses eaux… Ses affluents sont nombreux. Il est le plus important du massif des Monts d’Or.

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                  Allez! On est parti…

• Quittons ces lieux de la déesse Soucona et continuons notre balade… •

2- Le lavoir de la Gagère, un lavoir énigmatique
Un lavoir situé chemin Vert, complétement enfoui sous la végétation et des mystères qui planent autour…
►comme son nom Gagère,  «les gayères» signifiant canalisations d’eau…
►comme sa situation, loin des habitations… Qui pouvait venir ici ? A quelle époque ?
►comme l’absence d’indication dans les archives ; pas plus de souvenir de la part des anciens de la commune de St Didier…
Ce lavoir va sortir de terre grâce à l’action d’une association de Limonest (¹) et un autre mystère va surgir alors, la présence d’une voûte sur laquelle est posé le lavoir… Serait-ce une ancienne citerne ?
Un peu plus haut en amont, cachée dans les broussailles, une entrée de captage devait alimenter en eau le lavoir.

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      Nous apercevons bien la voûte sous la lavoir…

• Remontons encore un peu le chemin Vert et admirons la vue sur le vallon et sur le château de Saint André…•

3- Le domaine de sieur Guyot de Masso
Au temps des Guerres de Religions, ce riche bourgeois lyonnais habitait ici dans une grande demeure. Il accéda au titre de noblesse en achetant en 1584 la seigneurie du vieux castrum de Saint André du Coing avec son moulin, tous deux en ruine. Guyot de Masso transféra alors l’administration seigneuriale du castrum vers sa belle demeure, devenant ainsi le seigneur de Saint André.

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Le château de Saint André , un petit bijou dans le paysage de Rochecardon …

Un véritable château…d’eau, ce domaine!  Tout autour, plusieurs souterrains amenaient cette ressource précieuse sous l’habitation, dans un grand réservoir .
Ces souterrains mystérieux ont suscité il y a quelques décennies, une passion chez un professeur d’histoire qui s’est mis à la recherche du… trésor des Templiers ! L’a-t-il trouvé ?!

• Un dernier coup d’oeil sur cette vue magnifique et continuons notre balade…•

4- Le chemin de la Molière, un chemin qui mouille…
Non ! Molière n’a pas vécu ici, ni donné son nom à ce chemin !
Faisons un peu d’éthymologie car «molière» aurait un rapport soit avec la meule du moulin ou soit avec les terrains mouillés (mouillère → mouille du franco-provençal, désignant des lieux humides, marécageux). Optons pour cette deuxième hypothèse, plus en accord avec les lieux.
Au temps du roi Louis XI, vivaient dans une maison au bord du chemin, les trois frères Muraud.  L’eau n’étant pas loin, auraient-ils assisté au creusement d’un souterrain de captage qui va jusqu’à… une citerne au lieu-dit des Gayères ? Servait-elle à alimenter les habitants du castrum de Saint André ou son moulin ? Peut-être commence-t-on à percer un des mystères du lavoir, chemin Vert ?

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• Nous ne nous mouillerons pas trop en empruntant ce chemin de la Molière, il est tout sec en ce moment…•

5- Les Seignes, un lieu qui n’a pas peur de l’eau !
Philippe poursuit ses commentaires. «Nos ancêtres, les Gaulois» vont s’imposer ici sur ces lieux, les noms étant d’origine gauloise, comme les Seignes (Sagne est devenu Saignes et enfin Seignes à nos jours). Ce nom ancien indique la présence de marais, de sources où l’eau abonde.
D’autres noms gaulois se retrouvent tout autour de ce vaste territoire comme Combes et Bourbouillon.  Qui étaient donc ces habitants gaulois ? Où habitaient-ils ?

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• Laissons derrière nous ces grandes terres…de nos ancêtres ! •

6- Le lavoir du Pinet, un lavoir sans pin…
Une belle pinède devait exister près de ce lavoir pensiez-vous ? Bien que les manuels de toponymie renvoient le mot Pinet à l’arbre, le pin,  il n’y a jamais eu de pinède ici !
Depuis le 15e siècle jusqu’au 18e siècle, la famille Pinet s’est implantée autour de ce vallon et a donné son nom au hameau situé non loin d’ici. Ce lavoir fut construit sous le règne de Louis Philippe par des riverains qui se sont cotisés. Au lavoir, on lavait son linge, certes, mais les papotages allaient bon train.

• Laissons-là ces bavardages…•

7- Ruette de la Vache, un sentier qui rumine…
Il est facile d’imaginer des habitants des hameaux voisins, comme un certain Antoine Pinet, empruntant ce chemin pour aller faire paître leurs vaches dans ces fonds de vallons destinés au pâturage, à l’élevage.

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           On n’est pas belles ?!

Une vache qui donne son nom à un chemin n’est pas rare; en effet, dans l’odonymie française, l’étude de la toponymie des chemins, les vaches sont très présentes.
Dans le massif du Mont d’Or, ruette est un nom local donné à des sentiers.

• Cheminons, cheminons…•

8- Le hameau du Bois, en «haut» du podium…
Philippe va structurer en deux parties cette étape par une petite «leçon» d’éthymologie.
► Suivant les archives anciennes du 14e siècle, ce hameau était dénommé podium d’Arbigny ou mas d’Albigny Podium veut dire «hauteur» en latin et a donné les nombreux Puy ( Puy d’Or, Puy en Velay…) ; mas est dérivé de mansius →manse en latin, une propriété rurale du IXe siècle.
► Le terme Arbigny, vient d’arbigniacum à l’époque gallo-romaine : le préfixe ar ou alb d’origine préceltique signifiait l’eau et a donné le nom à de nombreuses rivières. Le suffixe iacum du celte iacos veut dire « le lieu de… »
«La hauteur du lieu de l’eau» serait donc la traduction littérale du nom de ce hameau ! C’est tout de même plus joli hameau du Bois !

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Le hameau du Bois, chemin du Petit Bois…

Le groupe toujours très attentif…

Le territoire d’Albigny était traversé par un petit cours d’eau partant d’une fontaine située dans une propriété à quelques centaines de mètres d’ici. Maintenant, c’est un petit filet d’eau qui traverse le chemin du Bois.

• Mais avant de le voir, descendons de notre hauteur ! •

9- Le moulin de Thiolay ; on y bat, on y moud, à la force de l’eau…
C’est un des plus anciens moulins faisant partie des nombreux autres répartis le long du ruisseau de Rochecardon ; il est déjà signalé dans un terrier(²) de 1338.
Deux parties perpendiculaires sont distinctes de ce bâtiment, l’une plus ancienne en pisé, le moulin proprement dit et l’autre est en pierres grises, à gryphées; c’est la ferme.
Que pouvait-on produire dans ce moulin ? Pas d’informations sur ces usages avant un document notarial de 1863 qui informe que c’est «un moulin à farine, un battoir à pulvériser les drogues et un cylindre destiné à moudre les graines de lin et de moutarde ? Ensemble une machine à vapeur faisant mouvoir ces usines lorsque les eaux manquent ».
Certains de ces moulins de Rochecardon ont été transformés au début du 19e siècle pour mouliner la soie

Le moulin de Thiolay dans son écrin de verdure…

• Tout en continuant la balade, nous avançons dans le temps… •

10- Le sentier thématique : un sentier qui se met à l’heure…
A l’orée du Sentier du Ruisseau de Rochecardon, une autre voix va accompagner maintenant le groupe jusqu’au Pré de la Gabrielle.

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Claude Millet nous fait faire un bond en avant dans le temps. L’an 1989 vit la naissance de Roch’nature, association préoccupée à protéger cette coulée verte qu’on appelle aujourd’hui corridor écologique. Une des premières actions de l’association a été de mettre en place en 1994 un sentier pédagogique, le sentier botanique, mettant en valeur cet espace naturel boisé et humide.
Depuis quelques décennies, ce vallon a changé progressivement de nature. D’utilitaire, il est passé à un intérêt écologique. En effet, l’eau canalisée, stockée pour l’avoir en abondance était utilisée autrefois de manière vitale. Aujourd’hui, machines à laver, robinets d’eau à domicile ont rendu inutiles tous ces ouvrages d’eau…

● Depuis 1994, ce sentier pédagogique est la vitrine de multiples actions (comme le club-nature) et l’objet de renouvellement des équipements. Ces derniers se dégradent au fil des saisons ; la pluie, le soleil, les graffitis parfois, ont raison de leur éclat mais c’est aussi une bonne occasion de les remplacer, une seconde vie en quelque sorte ! Et bientôt, ce sentier s’offrira-t-il une troisième vie en 2018 ?

● On l’a vu précédemment, le ruisseau prenait jadis, des noms différents parfois sur des petites portions.  Aujourd’hui, on définit au contraire une globalité du vallon avec le ruisseau de Rochecardon et l’ensemble de ses affluents qui constituent son bassin versant.

● En 2008, des étudiants de l’université Lyon1, entreprennent une étude de la qualité de l’eau du ruisseau de Rochecardon et un inventaire de la zone humide près de la passerelle. Cette étude a révélé une eau de qualité moyenne, voire médiocre en aval, confortée malheureusement par les études suivantes. Les assainissements individuels défectueux ou leur absence , l’imperméabilisation des sols augmentent cette pollution.

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La passerelle et le ponton près du ruisseau et de la zone marécageuse.

● La passerelle prolongée par le ponton a une petite histoire… Ce passage était emprunté depuis des temps immémoriaux. Dans les années 1960, des gigantesques remblais provenant du chantier de construction des tours de la Duchère (Lyon 9e) ont bouleversé le paysage, rendant ce chemin boueux, impraticable. Cet aménagement en bois a été mis en place lors du premier sentier à thème en 1994.

● Claude termine cette balade près de l’étang en évoquant une mobilisation de Roch’nature en 1991/92, à propos d’un projet immobilier gigantesque, la ZAC du Bois des Côtes située plus haut sur la commune de Limonest. Elle a pu obtenir un séparateur à hydrocarbure couplé à un bassin de rétention pour préserver le ruisseau de la pollution.

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(¹) Sauvegarde des Lavoirs et du Petit Patrimoine                                                                           (²) documents ayant précédé les cadastres

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A-t-il été trop bavard ce ruisseau de Rochecardon ?  A-t- il raconté toutes les histoires qu’il souhaitait ? Il est vrai que nous avons parcouru qu’une partie de son trajet et de ses abords.  Prendra-t-il encore du temps pour nous livrer d’autres petits secrets, d’autres témoignages d’anciens qui l’auraient côtoyé ? En tous cas, pour aujourd’hui, il nous salue bien…

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A la plume , claude MILLET
A la relecture, Philippe CAMOUS
A l’appareil photos, Claude DEREGNAUCOURT
+ quelques photos d’archives de Roch’nature

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